Alors que les rebelles du M23 continuent de gagner du terrain dans l’est de la République démocratique du Congo, le chef de l’ONU a salué la signature samedi d’un accord de paix entre Kinshasa et Kigali, sous l’égide des États-Unis.

« Cet accord constitue une étape importante vers la désescalade, la paix et la stabilité dans l’est de la République démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs  », a estimé António Guterres dans une déclaration à la presse. Le Secrétaire général a félicité l’administration américaine pour son « rôle de chef de file  » dans la facilitation du processus, en coordination avec le Qatar et le médiateur togolais de l’Union africaine, Faure Gnassingbé.

M. Guterres a exhorté les deux parties à respecter pleinement le cessez-le-feu et les autres engagements pris dans le cadre de cet accord, signé par les ministres des affaires étrangères congolais et rwandais, en présence du chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio. Il s’est dit prêt à soutenir sa mise en œuvre par l’intermédiaire de la MONUSCO , la mission de maintien de la paix des Nations Unies déployée en RDC.

Depuis le début de l’année, les régions de l’est de cette nation d’Afrique centrale connaissent une nouvelle escalade de violence. Le M23, groupe armé soutenu par le Rwanda, a lancé une offensive fulgurante dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où il s’est emparé des deux principales métropoles, Goma et Bukavu.

Coïncidence du calendrier, le Conseil de sécurité de l ;’ONU s’est réuni, vendredi, pour faire le point sur la situation. À cette occasion, la Représentante spéciale de M. Guterres en RDC, Bintou Keïta, a elle aussi salué l’accord comme « une avancée significative vers la fin du conflit  », tout en appelant à préserver la cohésion nationale par « un climat de tolérance  » et un dialogue inclusif.

Prenant la parole pour l’avant-dernière fois devant le Conseil avant la fin de son mandat, Mme Keïta a toutefois dressé un tableau sombre de la situation sur le terrain : violences sexuelles utilisées comme armes de guerre, plus de 290 écoles détruites, 28 millions de personnes en insécurité alimentaire et 7 millions de déplacés internes. « Nous sommes à la fin juin, et le plan de réponse humanitaire n’est financé qu’à 11 %  », a-t-elle alerté, appelant la communauté internationale à combler « un vide fatal ».

Un accord accueilli avec scepticisme à Kinshasa

La délégation congolaise, tout en saluant la médiation américaine et la signature de l’accord, a affiché une prudence teintée d’exaspération. Le chargé d’affaires Hippolyte Mfulu a dénoncé « la poursuite de l’agression rwandaise  » sur le terrain et « les massacres des populations civiles, les viols des femmes et des jeunes filles, les recrutements forcés  », commis selon lui par la coalition formée par l’armée rwandaise, le M23 et leur partenaire politique, l’Alliance Fleuve Congo (AFC). « Le Rwanda vient de signer (…) un accord dans lequel il s’engage à retirer, sans conditions préalables, toutes ses troupes du territoire de la RDC. Nous espérons que cette fois, les États-Unis sauront imposer au Rwanda des sanctions à la mesure de ses forfaitures, en cas de récidive », a-t-il lancé.

Le diplomate a également dénoncé la création d’une « administration parallèle » par les rebelles dans les zones occupées, en violation des résolutions du Conseil, tout en appelant à une enquête internationale sur les crimes commis à Goma et à Bukavu. À ses yeux, l’impunité reste « l e carburant de la récidive  ».

Kigali plaide la légitime défense

Face à ces accusations, l’ambassadeur du Rwanda, Martin Ngoga, a adopté un ton tout aussi ferme. Il a présenté l’accord signé comme une « percée » et salué la création d’un « mécanisme permanent de coordination sécuritaire conjointe  », chargé notamment de superviser la neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé hutu issu des génocidaires de 1994, considéré comme la principale menace par Kigali.

« Dans la situation qui nous occupe, les mesures défensives [du Rwanda] sont directement liées à une menace bien connue du Conseil : les FDLR », a-t-il affirmé, rappelant que leur neutralisation figure dans vingt résolutions onusiennes adoptées depuis 2003. Le Rwanda, a-t-il martelé, « exercera toujours son droit et son devoir de légitime défense avec professionnalisme et promptitude ».

M. Ngoga a reproché à la MONUSCO de « dramatiser  » les actions rwandaises tout en « négligeant  » celles des FDLR. Il a toutefois salué comme un signe d’ouverture la récente rencontre entre Mme Keïta et les chefs de l’AFC/M23 à Goma. « La MONUSCO ne pourra être efficace que si elle entretient la confiance de toutes les parties. Ses efforts doivent viser à appuyer toutes les initiatives susceptibles de favoriser la paix  ».

Une transition à haut risque pour la MONUSCO

Sur le rôle de la mission onusienne, les positions divergent. Kinshasa appelle à une relance conditionnée du plan de retrait progressif de la MONUSCO, suspendu face à la dégradation de la situation sur le terrain. « Nous exhortons le Conseil à bien vouloir renforcer la MONUSCO pour une délivrance optimale d’un mandat supplémentaire  », a toutefois indiqué M. Mfulu. À l’inverse, Kigali invite la Mission à « baisser le ton, à renoncer aux attaques publiques, et à se concentrer sur l’appui aux initiatives diplomatiques fragiles mais crédibles  ».

Dans ce climat polarisé, Mme Keïta, qui dirrige la mission, a défendu une approche équilibrée. Tout en reconnaissant les difficultés rencontrées, elle a rappelé que la MONUSCO restait mobilisée pour soutenir les efforts de paix, « guidée par les décisions et la volonté de ce Conseil  ».

Une région sous tension

Derrière les engagements de paix, la réalité des faits demeure incertaine. Les violations des droits humains se poursuivent, les lignes de front restent instables, et les perspectives de démobilisation du M23 n’ont pas encore été précisées.

Pour Kinshasa, la mise en œuvre rapide et vérifiable de l’accord de Washington conditionnera la suite du processus. Pour Kigali, seule la reconnaissance des « revendications légitimes  » de l’AFC/M23 en matière de droits civiques permettra de sortir durablement du cycle de violence.

L’ONU, entre ces deux récits, s’efforce de préserver une fragile voie diplomatique. Mais comme l’a rappelé l’ambassadeur du Rwanda en conclusion : « La véritable mesure de l’efficacité de ce Conseil ne réside pas dans le nombre de conflits qu’il a gérés, mais dans ceux qu’il a réellement résolus  ».



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